Rebecca Colling est directrice de la stratégie des systèmes d’information de Cultura, la chaîne de distribution de produits culturels (un milliard de CA). Membre du Comex, d’origine Roumaine, Rebecca doit coordonner la transformation de Cultura pour aider l’entreprise à devenir une plateforme de référence en matière d’accès des clients à la Culture. Elle doit aussi aider toutes les équipes commerciales à passer d’une fonction de vendeur à passeur de culture dans un nouvel écosystème, lequel va au-delà de l’achat en magasin. Un défi à la hauteur de son énergie.
Comment décririez-vous votre travail chez Cultura ?
Je dirais que c’est un travail à la fois en « hauteur et en détail », avec beaucoup d’adrénaline. Travailler dans la Tech Retail, au sein d’une marque qui prend de l’ampleur, m’oblige forcément à être à la fois sur la vision stratégique et en même temps à descendre dans certains détails, en accompagnement des équipes. Aucun jour ne ressemble au précédent, Cultura foisonne d’idées et nos équipes sont très engagées. Nous ambitionnons de devenir la Plateforme Culturelle de Référence et avons des enjeux forts à relever dans le retail français post covid.
Je portais déjà une vision très maillée entre la TECH et notre Business Modèle, disons que les 2 dernières années ont prouvé que cette vision était plus que jamais d’actualité. Mon quotidien s’est fortement accéléré.
Qu’est-ce qui vous a poussé au départ à vous lancer dans des études informatiques et tech ?
Mon histoire n’est pas très classique, car ma rencontre avec la tech s’est faite bien après mes études. Je suis née à 80 Km de l’Ukraine, en Transylvanie, 3 ans avant la chute de Ceausescu. Tout au long de mon enfance, j’ai vécu dans ce monde fermé, froid, en souffrance même après 1989 et j’ai toujours su que j’allais quitter mon pays. Je suis partie à 14 ans faire des études, même si tous mes copains s’orientaient déjà vers la Tech, car c’était nouveau, c’était « à la mode » et l’ordinateur nous connectait au monde.
Pour ma part, j’ai aimé voyager plutôt à travers la lecture, les histoires et l’apprentissage des langues. Elles m’ont ouvert des mondes, de civilisations qui se font ressentir une fois que l’on s’immerge dans leurs langues. J’ai opté ensuite pour des études de Sciences Politiques, dans la plus ancienne école roumano-hongroise, puis j’ai finalisé mes études à Madrid.
Quelle a été votre parcours académique ? Et les grandes étapes de votre carrière avant Cultura ?
J’ai rencontré le monde de la Tech tout d’abord à Madrid, dans le hardware. J’ai eu l’occasion de commencer ma carrière internationale chez Hewlett Packard. Je ne compte pas mes débuts dans la radio, la presse et l’agence de publicité en Roumanie où j’ai monté le premier site de news multi-sources régional, même si j’y ait passé 3 ans. Ceci m’a juste permis de financer mes études et de me forger une premier experience.
Je pense que lorsqu’on a des rêves et qu’on se laisse surtout guider par tout ce que la vie rend possible, on accueille des rencontres et on reste ouvert aux opportunités. J’ai rencontré mon mari en Espagne et en le suivant à Paris (il est français), j’ai intégré cette fois-ci le monde du Software en 2010. C’était le début des éditeurs SaaS, lorsque le marché et les boites n’étaient pas encore prêtes à les accueillir. Cette experience fut très formatrice, car j’ai eu l’occasion de commencer au Support, puis de poursuivre dans la gestion de projet, dans le Conseil, de me poser à côté des développeurs et de construire le produit tech avec eux, ainsi que la stratégie commerciale de Proof of Concept. Au départ une start-up, cet éditeur de logiciels fait aujourd’hui partie d’Econocom.
Avez-vous rencontré des obstacles ou des préjugés dans ce secteur qui recrute en majorité des garçons ?
J’ai compris très tôt que je me sentirais bien dans ce secteur. J’ai toujours eu la chance de travailler dans un contexte professionnel où ce sont mes actions qui ont été jugées et non pas mon histoire ou le fait d’être une femme. Comme dans toute équipe, dans la Tech, la mixité est source de création de valeur. J’essaie aujourd’hui de recruter des femmes pour équilibrer mon équipe, mais elles sont encore très peu nombreuses à suivre la voie tech. J’aimerais beaucoup que ma petite fille s’y intéresse, car je trouve merveilleux ce monde qui nous ouvre tant de possibilités, à condition qu’on sache bien l’apprivoiser et l’utiliser. Le code, les équipes, les entreprises… ont besoin de plus de femmes à bord.
Quel changement technologique, selon vous, a radicalement transformé votre métier ces dernières années ?
Le Covid a obligé pratiquement tous nos clients à s’accoutumer au digital. Les jeunes, les moins jeunes, les urbains et les ruraux. J’ai clairement observé une légitimité et accélération folle de nos projets tech dès le premier confinement. Soudain, la Tech était le pont entre l’entreprise et ses clients, entre l’entreprise et ses collaborateurs. Après la « démocratisation» des outils en mode SaaS pour les entreprises il y a plus de 10 ans, le Covid a ancré la Tech partout autour de nous.
Comment d’après-vous inciter les jeunes filles à se lancer dans une carrière informatique ?
Je crois beaucoup aux rencontres et à la projection. Je suis persuadée que toute jeune fille peut trouver des issues dans la Tech. Il y a le monde du dev mais aussi celui de la gestion de projet, de Product Owner, du conseil, de la CyberSécu… Je pense que les entreprises gagneraient à être plus présentes dans le monde des écoles, afin justement de permettre aux filles de se projeter. Je suis très optimiste, car je suis certaine que les filles de la génération « Alpha » (post Milléniales) ne se poseront plus cette question. Elles sont nées « non-déconnectées ». Ce sera la toute première génération à ne pas avoir vécu sans un écran (smartphone, tablette, ordinateur)… Souvent les vocations naissent dès l’enfance.
Quels peuvent être les promesses et les attraits de ce secteur pour les femmes qui s’y engagent ?
Tout d’abord c’est un monde qui n’a pas de fin. Nous n’avons pas fini la révolution digitale. En France les entreprises et la société ont besoin de compétences tech pour encore tout un siècle. Je dirais que personne ne peut s’ennuyer dans la tech. Les évolutions sont tellement rapides, les changements de carrière tellement courants, qu’une seule vie ne vous suffit pas pour vous épanouir.
Je dirais également que c’est un monde de passionnés. Même s’il est mathématique et en quelque sorte un peu rigide, on ne peut pas faire ce métier sans passion. Il est vrai qu’il est aujourd’hui plutôt gouverné par des hommes, mais c’est justement pour cette raison que les femmes peuvent y faire la différence.
Quelles sont vos défis professionnels du moment ?
Mon principal défi est le temps. Le monde de la tech va vite, le retail va vite, les clients vont vite. Faire les choses bien et avoir une longueur d’avance est toujours un défi lorsqu’on travaille dans la tech.
Par ailleurs, nous sommes en train de changer 90% du SI chez Cultura et maitriser ce changement est un défi en soi.
Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ?
Je pense que jamais rien ne m’empêchera de dormir. J’adore dormir et je sais aujourd’hui ranger les tiroirs à l’intérieur de moi, pour accompagner une forte transformation tech et vivre ma vie de femme et de maman.
C’est peut-être l’adrénaline ou le trop d’enthousiasme qui peuvent m’empêcher de dormir... Je compte sur mon deuxième job, avec mes deux enfants pour faire le plein d’apaisement et de joie.
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La vie, la famille et l’inconnu de demain, car chaque jour m’apporte des nouvelles rencontres, des nouvelles questions. J’ai toujours aimé le changement, ne pas savoir et me laisser porter.
Vous travaillez chez Cultura, quelle est votre artiste femme préférée et pourquoi ?
Spontanément je dirais Frida Kahlo. Anticonformiste et en « auto-renaissance » pendant des années, elle m’inspire et montre à toutes les femmes qu’aucune condition physique ne peut la réduire.